
Quatre éléments, une multitude de récits, une traversée littéraire
Au cœur d’une terre ancestrale se savourent des histoires de transmission, de liens familiaux et de mémoire où chacun cherche son ancrage, même au milieu du chaos.
En eaux troubles, des vérités dissimulées sous la surface du temps sont portées par des récits inscrits sur un fond historique.
Sous un air mélancolique s’élèvent des textes intimes marqués par la poésie de l’introspection et de la spiritualité.
Des braises languissantes à un feu ardent, les cœurs s’embrasent grâce à des histoires d’amour épiques, mais au destin parfois tragique.
Autrice : Cécile Meynard
Prix : 12 €
ISBN : 979-10-981952-5-9
Date de parution : 29/01/2026
Pages : 176
Format : 148×210 mm
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Lire un extrait
ELLE ET LUI
Elle : Non, mais regarde-moi ce bellâtre qui me mate d’un air concupiscent depuis tout à l’heure… Il essaie de ne pas avoir l’air intéressé mais il me couve des yeux, appuyé l’air nonchalant contre son stupide arbre avec sa cigarette à la main. En plus, je n’aime pas les hommes qui fument. Je suis sûre qu’il connaît déjà toutes mes mensurations ! Un costume mal coupé, une pose ridicule, et il croit pouvoir me séduire avec ça, ce prétentieux… Bon, il a une belle gueule quand même, mais s’il croit que ça suffit pour me faire fondre, il se met le doigt dans l’œil. Tiens, je vais lui en donner pour son argent en lui montrant un peu mieux mes jambes, là, bien tendues, avec mes petits talons bien plantés dans le sol. Et surtout ne pas le regarder, je suis passionnée par les petites annonces de la page cinq de mon journal. Je pourrais parier que, dans trois minutes, il s’avance d’un air pataud, prétexte d’un intérêt soudain pour la Une de mon journal, et finit par m’inviter à boire un verre. Mais ce n’est pas du tout mon genre d’homme…
Lui : Comme j’aime son petit manège, à cette péronnelle… Elle croit m’aguicher avec ses jolies jambes bien tendues devant elle et son journal étalé devant sa figure. Bon, d’accord, elle y arrive très bien… Toute l’élégance mutine des petites Françaises… Ah, j’adore ça ! Joli amuse-bouche à croquer du bout des dents, un peu maigre mais tout à fait gracieux. Un joli petit visage sous son chapeau cloche, un peu trop maquillé, comme une petite fille qui se la jouerait femme fatale, l’œil charbonneux et les lèvres pourpres. Et puis, assurément, un petit caractère bien trempé comme j’aime. Elle feint de ne pas m’avoir vu mais elle en fait trop, et j’ai bien vu son petit coup d’œil en coin tout à l’heure. Je lui plais, j’en suis sûr, mais elle ne l’avouera pour rien au monde… Je sens qu’il va falloir la jouer très habilement, cette partie, si je veux la mettre dans mon lit. Allez, « Don Juan », au travail, tu es dans ton élément, là.
Deux ans plus tard…
Elle : Je n’en reviens pas de me voir dans ce miroir avec mon voile blanc et ma couronne de fleurs d’orangers sur la tête… Je n’aurais jamais pensé, ce jour où nous nous sommes rencontrés dans le parc Monceau, qu’il envisagerait une relation sérieuse au point de m’épouser. Bon, je l’ai tout de même un peu fait gamberger, je n’allais pas lui laisser la main dans cette partie de poker ! Ni le laisser me mettre dans son lit, puis à la porte comme une vulgaire grue. C’est le genre d’homme qu’il faut constamment faire douter de son succès pour qu’il continue à vous aimer… et même vous épouse ! Tout de même, je dois reconnaître qu’il m’a bien eue en se présentant de façon si peu conformiste avec son ridicule et charmant accent italien : « Buon giorno, bellissima, moi c’est Juan, don Juan. Viendrais-tu faire un tour dans mon… tracteur ? » J’étais partie pour lui répondre vertement, mais le coup du tracteur m’a fait m’étrangler, et même m’étrangler de rire. Bref, il m’a eue par le rire. Pas si bête, finalement, ce séducteur de pacotille. Et le pire, c’est qu’il a vraiment un tracteur, ou plutôt des dizaines, des centaines même. C’est un fan d’automobiles aussi, il envisage même de se mettre à en construire… Ferrucio Lamborghini, c’est son vrai nom. Mais pas pour moi, pour moi ce sera Juan, ad vitam aeternam. Tant pis pour lui : s’il voulait que je l’appelle Ferrucio, il aurait dû me donner tout de suite son vrai nom au lieu de vouloir me mener en bateau. Mais il me fait fondre et me désarme, mon bel Italien…
Lui : Dire qu’elle a réussi à me passer la bague au doigt, cette petite futée ! La corde au cou, même ! Mais j’ai beau dire, elle me rend absolument dingue… Une vraie petite sorcière qui ne me laisse jamais me reposer sur mes lauriers. Moi qui me vantais d’être un homme à femmes, elle me fait ramper à ses pieds comme un toutou… Bon, je dois reconnaître que je suis de mauvaise foi, là. Oui, elle fait de moi ce qu’elle veut… mais elle a surtout fait de moi le plus heureux des hommes. J’adore cette vie pétillante qu’elle m’offre. Pourquoi irais-je chercher ailleurs ? Elle est toutes les femmes, elle est LA femme. Je veux lui donner une ribambelle d’enfants, surtout des garçons, lui faire voir mon beau pays, dont je suis sûre qu’elle tombera éperdument amoureuse. L’emmener dans mes voyages autour du monde, et puis l’éblouir aussi en construisant les plus belles automobiles du monde… Je la vois très bien conduisant à toute allure une de mes voitures sportives… Rouge, il faudra que la couleur soit rouge, la même que ses lèvres pour contraster avec ses cheveux noirs. Le logo, ce sera un taureau, mon signe du zodiaque… Ce sera une voiture élégante, confortable et silencieuse, pensée pour elle, rien que pour elle, ma jolie petite Française. Mais en attendant, aujourd’hui, je vais l’emmener à l’église dans une charrette tirée par un de mes tracteurs, puisque c’est avec eux que j’ai connu la fortune et la renommée !
Trente ans plus tard…
Elle : Comme il est beau encore, mon Juan, malgré toutes ces années qui nous sont tombées dessus, qui ont passé si vite. Comme il m’a gâtée, couverte d’or, c’est sûr, mais surtout gâtée d’amour et de tendresse… Il m’a donné cinq enfants, trois garçons et deux filles, plus beaux les uns que les autres et qui font ma fierté. Et maintenant, nous sommes entourés de petits-enfants et même d’arrière-petits-enfants. Depuis vingt ans qu’il s’est retiré des affaires, Juan s’est encore épanoui, je crois. Nous avons acheté cette belle propriété en Ombrie, près du lac Trasimène, où nous produisons du bon vin. Je n’ai jamais vraiment regretté d’avoir quitté la France pour le suivre. Et aujourd’hui, au seuil de la mort après cette belle vie que nous avons eue, je peux dire, oui, affirmer même, que nous avons fait mentir le dicton qui dit qu’il n’y a pas d’amour heureux. Bon, je l’ai bien taquiné, bien aguiché, bien picoté, mais c’est sans doute pour ça que cet amour a duré au lieu de s’amoindrir. Il m’aura fait rire jusqu’à la fin. Je soupçonne même que, pour mon enterrement, il m’emmènera encore une fois faire un tour jusqu’au cimetière en… tracteur !
Lui : Comme il a passé vite, ce temps heureux. Elle a si peu changé au fond, ma petite peste, qui, une matinée grise de 1963, en se prétendant plongée dans un journal, a ensoleillé ma journée et ensuite toute ma vie. Malgré tout, elle s’est laissé séduire par un fils de paysans italiens et constructeur de tracteurs… J’ai bâti un empire, concurrencé les Ferrari, Maserati et autres Porsche, fondé une famille nombreuse, réussi ma vie, je crois. Je peux être fier de moi. Mais j’avoue que ce dont je suis le plus fier, c’est du regard attendri qu’elle pose encore sur moi aujourd’hui. Bon, elle m’aura agacé toute ma vie en persistant à m’appeler Don Juan. Mais, finalement, je le prends comme un compliment pour moi et un exploit pour elle : elle aura rendu heureux Don Juan jusqu’à la fin.




