Entre espoirs et regrets, entre passé et avenir, ces récits explorent les territoires de l’âme moderne.

Ils nous parlent de solitude et de connexion, d’amour et de perte, de mémoire et d’oubli.

Autrice : Cécile Meynard

Prix : 11,50 €

ISBN : 979-10-981952-7-3

Date de parution : 29/01/2026

Pages : 160

Format : 148×210 mm

Lire un extrait…

Jour de neige

Jour 1
DIAPHANE. Ce serait sans doute le meilleur mot pour définir Estelle. Elle habite au cinquième, sans ascenseur, et certains jours c’est dur de monter jusque-là. Il faut dire qu’à force de manger comme un petit oiseau, elle n’a plus beaucoup de forces. Mais même si son médecin râle chaque fois qu’il la voit et la menace de plus en plus sérieusement de l’envoyer à l’hôpital, ce n’est pas sa faute si son corps ne veut pas, ne peut pas. Elle grignote, deux abricots secs, un morceau de fromage, un yaourt, pas plus sinon la nausée la prend. C’est un combat quotidien pour s’alimenter. Elle est jolie, Estelle, avec ses beaux yeux marron, et ses longs cheveux noirs. Juste bien trop maigre. Comme si elle voulait inconsciemment devenir transparente, s’effacer du monde. Aujourd’hui elle monte lentement l’escalier, elle a courageusement acheté quatre endives et deux tranches de jambon en revenant de chez le docteur car il lui a arraché la promesse d’avoir pris au moins un kilo quand il la reverra après les fêtes. Un vertige la prend au niveau du troisième, et elle doit s’asseoir une minute sur les marches. Les larmes lui viennent aux yeux en songeant que son gratin d’endives va lui durer au moins la semaine. Comment arriver à prendre un kilo, alors que son estomac se révulse déjà d’avance ?


Jour 2
Monsieur Galien tire rageusement sur sa cigarette, assis sur son banc préféré, sous le vieux tilleul fendu qui a perdu presque toutes ses feuilles désormais. Il n’en peut plus de ces petits cons qui viennent le provoquer presque chaque jour, des gamins du quartier qui sonnent à sa porte, jettent des ordures dans son bout de jardin, et qui le frôlent en passant à toute allure avec leur trottinette en lui criant des insultes. Il est presque sûr que ce sont eux qui lui ont crevé le pneu avant de sa vieille bécane. Pourtant il en a bien besoin, de son vélo, pour faire les trois kilomètres jusqu’au marché où il arrondit ses fins de mois chaque mardi et chaque vendredi en aidant à décharger les cageots et installer les étalages. Il se demande comment il va faire, avec sa patte folle pour faire le trajet à pied. Il faut absolument qu’il trouve du matériel pour réparer la chambre à air. Le problème étant qu’il n’est pas bien dégourdi avec ces choses-là – mais il n’a pas de quoi payer un réparateur dans tous les cas. Tout voûté, avec ses rares cheveux grisâtres qui s’échappent de la vieille casquette et son air OMBRAGEUX, il n’est guère avenant et personne ne se risque à lui dire bonjour en passant à côté de lui. De toute façon, aujourd’hui c’est la loi du chacun pour soi…


Jour 3
Il n’y a plus aucune SOLIDARITÉ dans cet immeuble de banlieue un peu décrépit. Ah il est loin le temps où les voisins s’entraidaient, et où tout le quartier descendait dans le square le dimanche pour partager un repas commun, faire d’interminables parties de pétanque, et même danser au son de l’accordéon du vieux Pablo ou de son violon à lui tandis que les gamins couraient partout. Aujourd’hui chacun reste devant sa télé ou son Netflix, bien enfermé chez soi. Ça fait longtemps que le violon dort dans son étui au fond de l’armoire. Pablo, c’était un brave type, républicain espagnol qui avait fait la guerre en 1936, et avait réussi à échapper aux franquistes. Il est mort tout seul dans un asile de vieux, trop loin pour qu’on aille le voir. Chienne de vie. Galien a bien peur de finir comme ça aussi. Aujourd’hui, c’est pas les mêmes gens qui habitent l’immeuble. Oh, c’est pas la zone, non plus, rien à voir avec la cité d’à côté avec tous ses problèmes de violence, de drogue et de racket. Juste un vieux quartier en déshérence, avec des petits immeubles des années 1930, mal isolés, mal insonorisés, et des maisons un peu lépreuses, des « Sam suffit » comme on disait, avec un bout de jardin au pied des trois marches du perron. Les habitants sont vieux, morts, ou solitaires, c’est un peu triste. Même le bar du coin de la rue a fermé, et c’est dommage car on pouvait s’y retrouver pour un café, une partie de cartes, un peu de chaleur humaine, quoi.


Jour 4
Heureusement qu’il reste encore la boulangerie en bas de l’immeuble. Il aime bien venir après le rush du matin, quand les gens sont partis au travail et qu’il n’y a plus trop de monde, ça permet de causer un peu. Monsieur Boulier est quelqu’un de très GÉNÉREUX pour le coup, et il donne volontiers les baguettes de la veille aux gens qui sont « dans le besoin » comme il dit. Mais depuis la mort de sa femme, il y a trois mois, il est tout gris de tristesse et le vieux Galien se demande combien de temps il arrivera à tenir la boulangerie tout seul ou presque. Il est simplement aidé par la petite vendeuse, Clémence, qui d’ailleurs n’est pas sûre de pouvoir rester l’année prochaine. Ses parents lui manquent, et puis, élever seule sa gamine, ce n’est pas drôle ni facile tous les jours. Surtout pour trouver un système de garde après l’école, le mercredi et le samedi. Jusqu’à présent elle s’est débrouillée avec une amie qui avait une petite fille du même âge, mais elle vient de lui annoncer qu’elle déménage fin janvier. Donc pour l’instant, Clémence panique…
Galien l’a bien vu même si elle ne le dit pas ouvertement : il a remarqué les cernes sous ses yeux et ses ongles rongés jusqu’au sang. Heureusement que la pitchoune est un petit rayon de soleil, rigolote, toujours heureuse de vivre, avec ses couettes et ses joues rouges comme des pommes d’api.


Jour 5
Justement, la voici, la petite Pimprenelle, qui sort de l’immeuble avec son sac à dos, pour rejoindre sa maman et le père Boulier dans la boulangerie, avant l’école. Elle lui fait juste un grand sourire et un petit geste de la main, mais ça lui fait déjà chaud au cœur – c’est la première personne de la journée qui lui dit bonjour, et c’est quand même un jour spécial. Quand elle ouvre la porte en sautillant, des EFFLUVES de pain chaud et de viennoiseries s’échappent de la boutique, rappelant au vieil homme qu’il n’a pas déjeuné ce matin. Il faut qu’il bouge, car le froid commence à se faire vif. Il jette dans la poubelle son mégot éteint depuis belle lurette en songeant que c’est bien un temps de neige, avec ce ciel gris blanc, cotonneux. Autrefois, quand il était gamin, il aimait la neige, surtout à cette période de l’année. Et puis les années ont passé, et la magie de Noël… comment dire ? s’est perdue avec son enfance, voilà tout. En rentrant dans le hall de l’immeuble, un peu raide d’être resté immobile si longtemps, il croise le petit jeune qui s’est installé avec sa mère depuis peu, juste au-dessus de son appartement. Il a l’air triste, ce gosse, mais ce n’est pas étonnant. Il a perdu tous ses copains et doit refaire son trou dans un endroit inconnu, à un âge où les jeunes ne sont pas tendres entre eux… Pas simple. Il voudrait bien lui sourire, peut-être lui dire un mot gentil, ou même seulement un bonjour, mais le gamin garde obstinément les yeux baissés et frôle le mur, le plus loin possible de lui, alors il n’ose pas.

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